La place du privé en santé : le CMQ énonce des principes directeurs
La situation est préoccupante quant aux difficultés grandissantes d’accès au réseau de la santé, à l’exode de ressources vers le secteur privé, aux listes d’attente en chirurgie qui s’allongent et au nécessaire encadrement des modalités des soins offerts dans le secteur privé. Le Conseil d’administration du Collège des médecins vient d’énoncer des principes directeurs sur la place du privé en santé pour assurer la pérennité d’un réseau universel et accessible.
Dans sa mission de protection du public en veillant à une médecine de qualité, le Collège des médecins du Québec (CMQ) estime qu’il doit formuler des principes directeurs pour que l’accessibilité aux soins demeure universelle et équitable. Une série de constats justifie ce positionnement sur la place du public en santé :
- L’accessibilité aux soins et services de santé est garantie par des lois, des règlements et des règles administratives, mais elle est de plus en plus compromise;
- La prestation de services de santé financés par le privé est en croissance même si des données probantes démontrent que cela n’améliore pas l’accès aux soins de santé ni ne réduit les coûts du système;
- Le contrat social fondamental entre les citoyens, l’État et les professionnels de la santé, dont les médecins, vacille et les responsabilités sociales et individuelles s’étiolent.
Le Collège s’appuie sur des valeurs communes pour que l’offre de soins à la population soit régulée par le gouvernement et les ordres professionnels :
- La santé mentale et physique est un droit fondamental;
- Les soins et les services de santé constituent un bien commun non commercialisable;
- Des législations protègent, favorisent et améliorent le bien-être physique et mental de la population.
Il en découle que la prestation privée de soins et de services devrait uniquement viser à soutenir celle du secteur public.
Lors de sa séance du 25 octobre dernier, le Conseil d’administration du Collège des médecins du Québec a adopté ce positionnement sur la place du privé en santé :
ATTENDU QUE la santé est un droit fondamental et que les services de santé doivent être considérés comme un bien commun qui ne devrait donc pas faire l'objet de commercialisation;
ATTENDU QUE la Loi canadienne sur la santé énonce, à son article 3, que la politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacle d’ordre financier ou autre;
ATTENDU QUE cette loi prévoit, à son article 7, les conditions que doivent remplir les provinces afin de recevoir la pleine contribution pécuniaire à titre d’élément du Transfert canadien en matière de santé (TCS), soit : la gestion publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité;
ATTENDU QU’au Québec, des mesures législatives, réglementaires et administratives ont été mises en place dans l’objectif de rendre accessibles les services de santé à l’ensemble des citoyens;
ATTENDU QU’au cours des dernières années la prestation de services de santé financés par le privé connaît un développement accéléré, aussi bien en ce qui a trait aux services requis que non requis par l’état de santé;
ATTENDU QUE ce phénomène compromet l'équité d'accès aux services en plus de remettre en question le contrat social existant entre l'État, les citoyens et les professionnels de la santé, dont les médecins;
ATTENDU QUE ce contrat est fondé sur les valeurs de justice et d'équité de la société québécoise;
ATTENDU QU’une portion significative du budget de l'État est affectée au financement du système de santé et de services sociaux;
ATTENDU QUE le Collège estime qu'il est urgent pour le gouvernement et Santé Québec de prendre toutes les mesures visant à améliorer rapidement et de façon significative l'accès et l’organisation des services dans le système public;
ATTENDU QU’il existe des données probantes démontrant que le développement du secteur privé n’améliore pas l’accès et ne réduit pas les coûts associés aux soins de santé, et ce, contrairement à certaines idées véhiculées;
ATTENDU QUE le Collège est d’avis que tous les citoyens québécois doivent avoir accès, sans discrimination, à des soins de santé et de services sociaux de qualité que leur état de santé requiert, et ce, dans les délais appropriés;
ATTENDU QUE le Collège est convaincu que l’offre de soins, tant publique que privée, doit être régulée par le gouvernement ainsi que par les ordres professionnels;
ATTENDU QUE les médecins non participants sont assujettis aux mêmes obligations déontologiques que les médecins exerçant dans le système public, en particulier celles touchant les obligations de prise en charge et de suivi, notamment en cas de complications;
ATTENDU QUE le Collège considère que la prestation privée des services requis par l’état de santé devrait viser uniquement à soutenir celle du système public;
Il est résolu d’adopter les principes directeurs suivants :
Le CMQ prône un système de santé et de services sociaux public et universel, accessible pour tous les citoyens, sans discrimination, et dans les délais appropriés à leur état de santé;
Le CMQ demande que l’expansion du secteur privé en santé soit suspendue immédiatement;
Le CMQ demande que les soins privés existants soient rigoureusement régulés et encadrés par le gouvernement, notamment sur les éléments suivants :
- L’écart des honoraires versés pour un même service, entre le système public et le secteur privé;
- Les conditions et les modalités pour offrir des soins et des services dans le secteur privé;
- Les modalités de changement du statut de médecin participant à non-participant au système public;
Le CMQ est d’avis que le financement des services offerts au privé doit demeurer totalement public et n’occasionner aucun déboursé supplémentaire de la part du citoyen;
Le CMQ juge que les entités tierces (personnes morales) auxquelles les médecins peuvent s’associer dans l’exercice de leur profession doivent être encadrées professionnellement et juridiquement;
Le CMQ rappelle l'importance du contrat social existant entre les médecins et la société, duquel découlent des responsabilités individuelles et collectives pour l'ensemble des membres de la profession, sans exception aucune.
Le Collège fera les représentations nécessaires pour que ces principes directeurs soient pris en compte par les instances décisionnelles afin d’assurer l’accès universel, l’équité et la pérennité du réseau public de santé québécois.