Le chirurgien devenu médecin de famille
D’origine algérienne, le Dr Soufiane Bensaidane s’est établi au Québec il y a 20 ans avec son épouse et leurs jeunes enfants. Il cumulait alors 10 années d’expérience comme chirurgien dans son pays d’origine. N’étant pas admissible à la voie menant au permis restrictif, il entreprend alors le processus conduisant au permis régulier.
Il obtient sans problème la reconnaissance de son diplôme par le CMQ après la réussite des examens requis. Il lui reste ensuite à refaire sa résidence en chirurgie afin de pouvoir exercer sa profession au Québec. Et c’est à ce moment que son élan est freiné : « J’avais postulé au CaRMS dans trois spécialités médico-chirurgicales. Malheureusement, je n’ai été accepté dans aucun des programmes », se remémore-t-il.
Cherchant un « plan B », le Dr Bensaidane se tourne alors vers le marché du travail. Il déniche un emploi de formateur pour une agence de placement d’infirmières, desservant des régions éloignées. C’est dans ce contexte qu’il est appelé à voyager dans le Grand Nord. Du même coup, il y découvre l’univers de la médecine familiale dans toute sa versatilité. Cette expérience sera déterminante dans sa décision de se réorienter vers le programme de résidence en médecine de famille à l’Université Laval.
« J'ai dû faire le deuil de ma spécialité, la chirurgie générale, mais je dois dire que si j’avais connu la médecine de famille à cette époque, je n'aurais pas postulé en chirurgie. »Dr Soufiane Bensaidane
Ce revers du destin a donc entraîné un dénouement heureux pour le médecin, qui conserve un beau souvenir de ses deux années de résidence au GMF-U Laurier, pour lequel il travaille encore à ce jour.
Des programmes contingentés
Par rapport à ce qu’il a connu, le Dr Bensaidane estime que le processus est désormais plus simple pour les médecins voulant s’établir au Québec : « Il y a 20 ans, l'information était difficile à trouver, le processus d'équivalence était plus compliqué, et l’on exigeait davantage d'examens. Aujourd’hui l'information est plus accessible et le processus d'équivalence me semble plus clair. »
À ses yeux, le principal frein pour les diplômés internationaux en médecine qui empruntent la voie « régulière » demeure l’accès limité aux postes de résidence, surtout dans les spécialités autres que la médecine de famille. Les places étant contingentées, les quatre facultés de médecine admettent au total une soixantaine de diplômés internationaux en formation postdoctorale annuellement.
« Plusieurs programmes sont réticents à accepter des médecins formés ailleurs, à cause d'expériences passées de résidences plus exigeantes ou plus longues, comparativement aux médecins qui ont fait leurs études au Canada. Cela s’explique par une adaptation difficile dans un système de formation et d'évaluation inconnu pour eux », avance le Dr Bensaidane.
Les quatre universités québécoises organisent une semaine de préparation à la résidence pour tous les diplômés hors Canada et États-Unis acceptés dans un programme. De plus, un stage d'acclimatation de quatre semaines leur est offert avant le début de leur résidence. « Cela demeure toutefois insuffisant. Une meilleure préparation en début de résidence est nécessaire », estime le médecin et professeur de clinique.
La mise sur pied, il y a une dizaine d’années, du Centre d’évaluation des diplômés internationaux en santé (CEDIS), en partenariat avec le MSSS, représente la volonté du gouvernement de mieux intégrer les médecins formés à l’étranger. Cet organisme leur offre notamment un soutien pour préparer leur candidature à une place en résidence et les aider à se préparer aux entrevues de sélection. « Nous avons remarqué que les résidents en médecine familiale qui ont passé avec succès leur stage d'évaluation CEDIS sont mieux préparés à la résidence », se réjouit le Dr Bensaidane tout en ajoutant que le nombre de places au CEDIS demeure limité.
Désormais membre du comité d’admission à l’exercice du CMQ, le Dr Bensaidane peut y partager son expérience et contribuer à l’amélioration continue du processus. À l’Université Laval, il a également cofondé le Groupe d’intérêt des diplômés internationaux en médecine, qui offre un soutien à celles et ceux venus poursuivre leurs études en médecine au Québec. « Ce sont des gens qui viennent jouer leur carrière ici. Je le sais, car je suis passé par là. La possibilité d’exercer leur profession repose sur une résidence de deux à six années. Ils veulent performer et sont capables de le faire, mais parfois, ils font face à des préjugés ou ils rencontrent d’autres candidats qui n’ont pas réussi. Je leur explique qu’ils sont capables et que s’ils ont les compétences, il n’y a rien à craindre. Le fait pour eux de discuter avec un médecin étranger, devenu professeur, leur donne de l’assurance. »
Pour moi, ce fut l’absence d'un système hiérarchique, où le chef de service fait la pluie et le beau temps et prend toutes les décisions cliniques. Au Québec, chaque médecin est libre de choisir la conduite qu'il juge la plus utile pour son patient. Chaque médecin est son propre patron en quelque sorte…
- Dr Soufiane Bensaidane