Sur la table de travail du directeur général

À l’aube du prochain exercice de planification stratégique 2024-2027, son directeur général, le Dr Pierre Gfeller, entrevoit une période de stabilité et de consolidation des changements réalisés. Or, même dans la stabilité, l’ordre professionnel continue d’avancer et d’innover. Voici trois grands dossiers qui mobilisent le CMQ cette année.

Protéger adéquatement le public malgré les défis financiers

Comme plusieurs organisations, le CMQ a connu son lot de défis en matière de gestion et de finances ces dernières années. « En mars 2023, nous avons terminé l’année budgétaire avec un déficit de 2 millions de dollars, soit environ 4 % de notre budget total de 52 millions », explique d’emblée le Dr Gfeller.

Différents facteurs contribuaient alors à fragiliser les revenus de l’ordre professionnel, dont le ralentissement global de l’économie et la conjoncture démographique, ayant entraîné une stagnation du nombre de membres. En parallèle, le déploiement du plan stratégique Virage 2023, visant notamment à rehausser la qualité des services offerts au public, avait entraîné un accroissement marqué des effectifs du CMQ (d’environ 20 %) en quelques années. Et c’est sans compter les investissements requis en technologie pour s’adapter au télétravail durant la pandémie.

Un an plus tard, le directeur général constate fièrement le retour à l’équilibre budgétaire. Pour y parvenir, l’organisation a misé sur diverses pistes de solutions, qui avaient été énoncées dès l’automne 2022. En voici un tour d’horizon.

Rationaliser les activités

Au cours de la dernière année, la structure des dépenses a été revue au CMQ et un moratoire sur l’embauche a été mis en place.

« La croissance de nos effectifs était justifiée pour assurer le déploiement du Virage 2023. Dorénavant, nous disposons des ressources nécessaires pour mener à bien l’ensemble de nos activités et remplir notre mission. »
Dr Pierre Gfeller, directeur général du CMQ

De plus, toutes les activités réalisées au CMQ ont été passées au peigne fin. L’ordre professionnel en est à se délester d’activités jugées non essentielles à sa mission. Également par souci d’efficience, le nombre de représentants du CMQ au sein de divers comités a été resserré.

Diversifier les revenus

Outre cet exercice rigoureux, une stratégie de diversification des revenus a été mise en place. Essentiellement, l’objectif est de réduire la dépendance de l’ordre professionnel à la cotisation de ses membres, comptant pour environ 80 % de ses revenus.

Pour ce faire, le Dr Gfeller et son équipe ont entrepris une évaluation des coûts de revient des différents services fournis par le CMQ et procèdent à un ajustement des tarifs dans plusieurs secteurs d’activités. Ainsi, le CMQ a introduit le principe d’utilisateur-payeur, en fixant le tarif de chacun de ses services en fonction de leur coût réel, que ce soit pour l’organisation d’un stage, ou encore lors d’une démarche d’enquête ou d’inspection professionnelle, par exemple.

Explorer de nouvelles opportunités d’affaires

Une réflexion sur l’occupation des bureaux du CMQ est aussi à l’ordre du jour. En 2015, le CMQ avait signé un bail à long terme, à un prix avantageux, le liant à l’immeuble du 1250 René-Lévesque à Montréal. C’était une pratique courante à l’époque dans le secteur commercial. Or, depuis la pandémie, l’univers immobilier du centre-ville a été bouleversé par le télétravail. Après deux années de travail à distance, l’ordre professionnel a adopté en 2023 un mode de fonctionnement hybride. « Cette formule fonctionne bien et tout indique qu’elle est là pour rester », affirme le Dr Gfeller.

L’utilisation des espaces professionnels doit donc être repensée et le CMQ n’exclut pas la possibilité de sous-louer une partie de ses locaux. « On pense qu’il est possible de se délester d’une partie de notre superficie, sans qu’il y ait d’impact sur notre fonctionnement. Il faudra toutefois avoir une certaine affinité professionnelle avec le futur locataire », ajoute-t-il.

Réviser les pratiques salariales

D’autres pistes sont explorées, dont la révision des politiques de rémunération, en s’inspirant des meilleures pratiques de gestion.

« Dans notre organisation, les salaires suivent une courbe bimodale : il existe une première courbe de rémunération pour les médecins et les gestionnaires, et une deuxième courbe pour les autres membres du personnel. Or, comme l’inflation affecte davantage les salariés de la deuxième courbe, il y aurait possibilité de moduler l’indexation des salaires, afin de tenir compte de cette réalité », cite en exemple le Dr Gfeller.

Mentionnons par ailleurs que la haute direction ainsi que les membres du Conseil d’administration ont donné l’exemple en gelant leur rémunération pour l’année en cours. Un geste qui démontre leur engagement et leur solidarité.

Un regard optimiste

Alors que l’opération de redressement budgétaire s’avère une réussite, le Dr Gfeller tient à souligner les efforts concertés des différentes directions et le soutien du Conseil d’administration dans cette démarche.

Dans ses objectifs de gestion, le directeur général vise une stabilisation à long terme de la hausse de la cotisation annuelle des médecins, malgré les soubresauts de l’économie qui influent sur les coûts d’exploitation. Ultimement, ce maintien d’une saine gestion financière permettra au CMQ de poursuivre sa mission de protection du public, pour de nombreuses années à venir.

Contribuer à la modernisation du système professionnel québécois

Outre la poursuite de ses objectifs administratifs et financiers, le directeur général participe aussi aux réflexions entourant l’avenir du système professionnel québécois. Ainsi, le CMQ suit de près le chantier de la ministre responsable des ordres professionnels, Sonia Lebel, visant notamment une révision du Code des professions.

Adopté, il y a 50 ans, en 1973, le Code a connu plusieurs modifications depuis, mais sa structure d'encadrement est restée la même. Or, les professions sont plus nombreuses et l'offre de services professionnels a grandement évolué. « Tous s’entendent pour dire que la société a beaucoup changé et qu’il est temps d’y jeter un œil », estime le Dr Gfeller.

Le principal constat? Le public saisit mal la mission des ordres professionnels. « À la question "Le public se sent-il protégé?", la réponse est malheureusement non. D’ailleurs, une grande partie de la population ignore que les ordres professionnels existent pour protéger le public, et non leurs membres », se désole le Dr Gfeller. À l’inverse, certains professionnels croient que leur ordre a pour mandat de défendre leurs intérêts. La confusion est généralisée.

Ce chantier est une collaboration entre la ministre Lebel, l’Office des professions et le Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ), qui représente les 46 ordres professionnels québécois. « Nous participons activement à toutes les démarches, bien conscients des transformations professionnelles survenues dans d’autres provinces et qui pourraient survenir ici aussi », précise le directeur général.

Élargissement des pratiques professionnelles

En parallèle de ce chantier, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) mène une démarche visant l’élargissement des pratiques professionnelles. Partie prenante de cette démarche, l’Office des professions pilote plus spécifiquement les travaux portant sur l’élargissement du diagnostic à d’autres professionnels de la santé. Le CMQ y est proactif, aux côtés du CIQ et d’autres ordres professionnels.

L’Office a choisi, dans un premier temps, d’aborder la question pour le volet de la santé mentale et a constitué un comité d’experts. Autour de la table, on retrouve des psychologues, des infirmières et infirmiers, des sexologues, des conseillères et conseillers en orientation, des orthophonistes ainsi que des médecins. « On discute notamment de situations où il y aurait un avantage à ce que d’autres professionnels puissent poser un diagnostic », relate le Dr Gfeller.

Au cours des dernières années, le CMQ a toujours fait preuve d’ouverture à l’égard de l’élargissement des pratiques professionnelles.

« Bien sûr, des conditions s’imposent. Pour un même acte, un même diagnostic, il faut que la formation, les critères d’évaluation et les obligations déontologiques soient équivalents. »
Dr Pierre Gfeller, directeur général du CMQ

Il s’agit donc d’assurer une harmonisation entre les différentes professions autorisées à réaliser une même activité professionnelle.

Le volet sur la santé mentale progresse bien, et tout porte à croire que la démarche livrera ses premiers fruits d’ici la fin de 2024. Par ailleurs, des élargissements en lien avec le rôle des pharmaciens sont à l’étude et pourraient se matérialiser sous peu.

Mettre à profit la diversité d’expertise

Un autre dossier abondamment discuté au CMQ est celui de l’ouverture à de nouvelles professions gravitant autour des médecins. Cette importante réflexion, menée par le Conseil d’administration du CMQ, se fait à la lumière d’analyses poussées, réalisées à l’interne. Entre autres, on étudie la possibilité de mettre à contribution des personnes formées en médecine, mais qui ne répondent pas aux critères classiques menant à l’obtention d’un permis d’exercice.

« Jusqu’à maintenant, le CMQ avait favorisé l’utilisation de permis réguliers ou restrictifs », explique le Dr Gfeller.

Il faut savoir qu’au Québec, la grande majorité des médecins possèdent un permis régulier. Pour les médecins qui souhaitent exercer au Québec et qui ont obtenu leur diplôme en médecine ailleurs qu’au Canada ou aux États-Unis, recevoir un permis régulier exige plusieurs étapes. Entre autres, il faut obtenir la reconnaissance de l’équivalence de ce diplôme, ce qui requiert la réussite d’examens, puis être admis à un programme de résidence dans l’une des quatre facultés de médecine québécoises, ce qui représente une formation supplémentaire de deux à six ans.

Les permis restrictifs permettent à des médecins diplômés à l’international, qui exercent activement la médecine, de venir pratiquer au Québec moyennant la réussite d’un stage de trois mois et un parrainage par un établissement. Ce type de permis impose au médecin une restriction quant au lieu d’exercice, dans sa spécialité. Or, de plus en plus, il existe une ouverture au CMQ pour la délivrance de permis restrictifs à des médecins diplômés à l’international qui possèdent une expertise pointue. Ce type de permis restreint alors la pratique du médecin à certains domaines précis de sa spécialité.

Une ouverture aux associés cliniques

Actuellement, le CMQ évalue la possibilité de permettre à des médecins qui n’ont pas une formation globalement équivalente à celle offerte au Québec d’offrir des services cliniques au sein du réseau de la santé. Une telle voie existe dans d’autres juridictions, et ces diplômés en médecine sont appelés des associés cliniques. Les associés cliniques sont des praticiens autonomes, qui travaillent sous la supervision d’un médecin ayant un permis régulier.

Vu les problèmes d’accessibilité aux soins que connaît actuellement le Québec, ce scénario mérite réflexion. Cela répond également à une volonté du CMQ d’offrir à des médecins diplômés à l’international la possibilité de travailler dans le domaine pour lequel ils ont été formés. Suivant de près l’évolution de cette démarche, le Dr Gfeller croit qu’une orientation quant à de nouvelles voies d’accès à la profession médicale pourrait être soumise prochainement au Conseil d’administration.

« Et vu la réflexion en cours sur l’élargissement des pratiques, il n’est pas exclu de mettre d’autres professionnels à contribution pour remplir une partie de l’offre de services et améliorer l’accessibilité. »
Dr Pierre Gfeller, directeur général du CMQ
Un projet pilote avec les adjoints au médecin

Parmi les autres options sur le radar du CMQ, il y a la mise à contribution des adjoints au médecin, des intervenants détenant une formation universitaire qui s’apparente à celle de base en médecine. Les adjoints au médecin pratiquent sous supervision médicale et ont une autonomie négociée et convenue par contrat avec un médecin superviseur.

Le rôle d’adjoint au médecin s’est d’abord développé aux États-Unis dans les années 1960, puis au Canada, au sein des Forces armées. Certains de ces intervenants, qui ont œuvré en zone de guerre, ont des compétences marquées qui peuvent s’avérer fort utiles dans les salles d’urgence, ou dans des milieux de soins en région éloignée, où sévit une pénurie chronique de personnel.

On compte au Canada quatre programmes de formation universitaire et environ 1000 adjoints au médecin en exercice dans les réseaux publics. Au Québec, toutefois, cette profession n’est actuellement pas reconnue, sauf pour les adjoints au médecin œuvrant sur les bases militaires. En revanche, le Manitoba, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, l’Alberta, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan l’ont intégrée à leur système de santé.

Des adjoints au médecin à la Baie James

Le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James a mis sur pied un projet pilote visant l’intégration de 10 adjoints au médecin à ses équipes multidisciplinaires.

L’objectif est d’améliorer la continuité des soins de première ligne et leur accessibilité, dans un contexte où la pénurie de personnel soignant occasionne régulièrement des ruptures de services.

Parmi les bénéfices escomptés, on espère voir :

  • Un gain d’efficacité de 30 % pour les médecins
  • Une réduction de la charge de travail de l’équipe clinique
  • Une diminution du nombre de consultations à l’urgence pour des problèmes non urgents
  • Une diminution des délais d’accès aux services médicaux non urgents

S’assurant de la protection du public, le CMQ suit de près l’évolution de ce projet et, à la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux, participera à son évaluation. Un dossier à suivre!