Savoir garder une saine distance à titre de médecin
Apprenez pourquoi les médecins ne peuvent pas se traiter eux-mêmes ou traiter leurs proches, sauf en cas d’urgence.
Régulièrement, le Collège des médecins du Québec (CMQ) rappelle à ses membres qu’ils ne peuvent se traiter eux-mêmes ou traiter leurs proches, sauf en cas d’urgence1. Dans le cadre de son exercice, tout médecin doit faire preuve d’objectivité vis-à-vis de ses patientes et patients, ce qui exige de maintenir une saine distance. Lorsque les médecins se traitent eux-mêmes ou traitent leurs proches, plusieurs enjeux peuvent venir menacer l’objectivité professionnelle, fondement pourtant essentiel à la dispense de soins de santé sécuritaires et de qualité.
En effet, le jugement clinique du médecin peut facilement être altéré par l’émotion ou par d’autres facteurs subjectifs lorsqu’une intervention auprès de la famille ou des proches survient.
Indépendance professionnelle
Le médecin doit s’abstenir d’effectuer toute intervention qui ne respecte pas sa liberté professionnelle. Avant d’entreprendre une relation thérapeutique, le médecin doit se poser la question suivante : le lien avec cette personne peut-il nuire à mon indépendance? Lorsque la patiente ou le patient est la conjointe ou le conjoint, l’enfant ou encore l’amie ou l’ami, il est facile de perdre cet aspect de vue et de vouloir acheter la paix, ou de vouloir plaire à cette personne en accédant à ses demandes de consultation ou de traitement. L’objectivité et le jugement clinique sont alors au mieux altérés, au pire compromis. La gravité de la situation peut aussi être sous-estimée, car la relation thérapeutique se juxtapose alors à la relation familiale ou d’amitié, et ainsi, n’est plus désintéressée.
Consentement libre et éclairé
Comment la patiente ou le patient peut-il exercer un consentement libre et éclairé ou remettre en question le traitement proposé par un médecin avec qui il entretient également des liens amicaux ou familiaux? Dans un tel contexte, à n’en pas douter, il y a confusion des rôles et les décisions médicales ne peuvent être prises en toute objectivité. La patiente ou le patient peut alors difficilement remettre en question les conseils médicaux prodigués ou douter du plan proposé.
Prise en charge et suivi
Quelle que soit la situation clinique, l’exercice médical exige une évaluation adéquate, une tenue de dossier rigoureuse et un suivi approprié. Les règles inhérentes à la confidentialité et au secret professionnel doivent aussi être respectées en toutes circonstances. Le médecin qui soigne ses proches, notamment dans un contexte social, satisfait-il à toutes ces conditions? Rien n’est moins sûr. Il ne peut, de toute façon, s’engager dans une telle voie, puisqu’il est clair que le médecin ne peut effectuer la prise en charge ou assurer le suivi d’une ou d’un proche. Les obligations de suivi prévues au Code de déontologie des médecins sont donc incompatibles avec le fait de se soigner soi-même ou de soigner une personne issue de sa famille ou de son cercle amical.
- Effectuer l’examen et le suivi gynécologique de sa fille, lui prescrire des anovulants et procéder au dépistage des ITSS;
- Effectuer une intervention chirurgicale sur sa mère, son père, son enfant, etc.;
- Prescrire des antidépresseurs ou des narcotiques à une ou un ami, de manière prolongée;
- Assurer le suivi médical de sa conjointe ou de son conjoint et lui prescrire des médicaments;
- S’autoprescrire des médicaments ou des examens;
- Prescrire des psychostimulants à ses enfants ou à ses nièces et neveux;
- Fournir des conseils médicaux à sa voisine ou son voisin, à son partenaire de tennis, à son adjointe administrative, et assurer son suivi.
Dans ces circonstances, le médecin doit plutôt proposer de référer la personne en question à une ou un collègue ou l’aider, si elle le souhaite, à trouver une autre ressource pour obtenir des soins.
Tout médecin qui a des questions peut communiquer avec le Collège au 514 933-4441.
Dernière mise à jour : 19 novembre 2019
1 Article 70 du Code de déontologie des médecins : Le médecin doit, sauf dans les cas d'urgence ou dans les cas qui manifestement ne présentent aucune gravité, s'abstenir de se traiter lui-même ou de traiter toute personne avec qui il existe une relation susceptible de nuire à la qualité de son exercice, notamment son conjoint et ses enfants.