Projet de loi no 3 sur les renseignements de santé
Le Collège des médecins du Québec est favorable, mais exprime des préoccupations.
- Le CMQ est satisfait que ce nouveau régime ouvre enfin la porte à un dossier numérique et facilite l’accès unique.
- Il déplore que plusieurs dispositions chevauchent les normes professionnelles existantes et entrent parfois même en conflit avec elles.
- Il est préoccupé que des dispositions sur la collecte des renseignements de santé complexifieront grandement le travail dans les cabinets de médecins.
- Le CMQ note que des intervenants et professionnels de la santé sont exclus du projet de loi et ne pourront participer à la circulation fluide des renseignements de santé.
Le Collège des médecins du Québec (CMQ) a transmis son mémoire sur le projet de loi no 3, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, aux membres de la Commission des finances publiques, à laquelle il n’a pas été convié.
Le CMQ salue la volonté du gouvernement de moderniser le cadre législatif applicable aux renseignements de santé et de services sociaux. En revanche, le projet de loi soulève plusieurs préoccupations en ce qui a trait aux répercussions sur la réglementation des ordres et sur les obligations qui incomberont aux professionnels. De plus, le CMQ s’étonne que le règlement encadrant la gouvernance des renseignements de santé soit défini par le ministre seul, sans que les ordres professionnels n’aient été préalablement consultés.
Chevauchement des lois et des règlements
Parce que le nouveau cadre juridique proposé n’écarte pas le Code des professions, ni la réglementation professionnelle quant à la gestion des renseignements de santé, le CMQ conclut que ces normes continueraient de s’appliquer en parallèle du nouveau régime visant les renseignements de santé.
Conséquemment, plusieurs dispositions du projet de loi chevaucheront les normes professionnelles existantes et entreront directement en conflit avec elles. Par exemple, les dispositions du projet de loi visant l'élaboration de règles de gouvernance des renseignements de santé seront difficiles à concilier avec les règlements des ordres professionnels relatifs à la tenue des dossiers et à la déontologie. Le CMQ propose que le projet de loi contienne des dispositions arrimant le nouveau régime juridique au Code des professions et à la réglementation des ordres.
Secret professionnel
Le projet de loi soulève également des questions importantes quant au secret professionnel. Le secret est l’un des fondements de la relation entre le patient et le professionnel de la santé. Le CMQ recommande donc qu’un article soit ajouté au projet de loi afin d’indiquer plus spécifiquement les dispositions qui s’appliqueraient sous réserve du secret professionnel.
Nouvelles obligations imposées aux professionnels
Le CMQ est également préoccupé par la lourdeur des obligations imposées aux professionnels quant à la protection des renseignements de santé. La nouvelle loi exigerait que chaque cabinet de professionnels adopte une politique de gouvernance stipulant des règles définies par le ministre. Si le Collège reconnaît l’importance de la protection des renseignements de santé, il s’interroge sur la pertinence d’imposer une si lourde charge administrative aux cabinets de professionnels qui croulent déjà sous la paperasse. Les petits cabinets qui n’ont pas encore pris le virage numérique devront de plus assurer une journalisation manuelle des données.
Exclusion de certains intervenants et lieux d’exercice
L’exclusion dans le projet de loi d’intervenants et professionnels de la santé limitera la circulation fluide des renseignements de santé. Sont exclus les intervenants et professionnels exerçant au sein d’une entreprise, d’un centre de détention, d’une clinique universitaire, d’une coopérative de santé, d’un organisme communautaire ou d’un centre de services scolaires. Le CMQ propose que les définitions d’intervenants et d’organismes englobent les lieux où sont dispensés des soins et services, et incluent aussi les étudiants et stagiaires autorisés à exercer des activités professionnelles.
Renseignements de santé aux fins de la recherche
Le CMQ favorise la disponibilité de renseignements de santé à des fins de recherche, ce qui peut contribuer aux découvertes scientifiques qui amélioreront les traitements, les soins et les services offerts aux patients. Cependant, les garanties de protection des renseignements de santé utilisés ne sont pas suffisantes pour éviter leur détournement à des fins commerciales. Le CMQ recommande que toute personne puisse retirer son consentement à l’accès aux renseignements de santé la concernant à des fins de recherche et qu’une disposition interdise expressément la commercialisation des renseignements de santé.
Transmission de renseignements par le CMQ
En vertu du Code des professions, un ordre professionnel n’est pas autorisé à communiquer des listes de membres sans leur consentement. Le CMQ souhaite que les modifications apportées à la Loi sur les services de santé et les services sociaux dans le cadre du projet de loi lui permettent de centraliser la communication de renseignements vers le ministère, afin que l’ensemble du réseau de la santé dispose des coordonnées et du statut à jour des médecins et des résidents en médecine.
« Ce projet de loi ouvre la porte à un véritable virage numérique au sein du réseau de la santé et s’inscrit dans la lignée du projet de règlement concernant la tenue des dossiers que nous souhaitons mettre en place depuis plusieurs années. Nous demandons au gouvernement de considérer l’ensemble de nos recommandations afin de s’assurer que les renseignements de santé des Québécoises et des Québécois sont adéquatement protégés et que les médecins ne naviguent pas entre deux cadres juridiques qui se superposent ou s’opposent. » - Dr Mauril Gaudreault, président du CMQ