Venir exercer la médecine au Québec
Au Québec, plus de 10 % des médecins en exercice ont obtenu leur diplôme ailleurs qu’au Canada ou aux États-Unis. Ils sont venus d’Algérie, d’Espagne, de la France et de quelque 70 autres pays, avec le souhait de s’épanouir professionnellement en sol québécois.
Quels chemins doivent-ils emprunter pour y parvenir? Quel rôle joue le Collège des médecins dans ce processus ? Pour nous éclairer, voici les explications de la Dre Marie-Josée Bédard, directrice des études médicales au Collège des médecins du Québec (CMQ), ainsi que le témoignage de trois médecins ayant vécu ce parcours.
Un parcours méconnu
Quelle que soit la profession, amorcer une carrière dans un autre pays représente tout un défi, et cette démarche est méconnue en médecine. Au cours des dernières années, le CMQ a posé plusieurs actions visant à simplifier le processus d’admission à l’exercice pour les diplômés internationaux en médecine, afin que soient reconnues plus rapidement leurs qualifications et leurs compétences. En moyenne, l’ordre professionnel accepte annuellement 187 demandes d’équivalence d’un diplôme obtenu hors du Canada1.
L’ordre professionnel des médecins n’est toutefois responsable que d’une portion du processus, alors que d’autres étapes relèvent plutôt du gouvernement et des facultés de médecine. « Ce mécanisme demeure souvent méconnu ou mal compris », soutient la Dre Marie-Josée Bédard. C’est pourquoi le CMQ redouble d’efforts pour informer les diplômés internationaux en médecine, via les médias notamment, dans l’objectif de dissiper la confusion qui règne dans la population et de mieux orienter les candidats au permis.
1 Moyenne basée sur les cinq dernières années.
10 %
Au Québec, un médecin sur dix a obtenu son diplôme ailleurs qu’au Canada ou aux États-Unis.
15 %
Au cours de la dernière année, 15 % de l’ensemble des permis délivrés par le CMQ l’ont été à des diplômés internationaux en médecine2.
2 Données compilées du 1er avril 2023 au 31 mars 2024.
Deux voies possibles vers le permis
À l’heure actuelle, il existe deux voies d’accès pour les diplômés internationaux en médecine souhaitant exercer au Québec : celle du permis régulier et celle du permis restrictif. Ces deux voies suivent des trajectoires distinctes.
Pour un coup d’œil rapide sur ce processus, consultez la vidéo « Diplômés internationaux en médecine » conçue par le CMQ.
1. La voie « rapide »
Certains médecins exerçant activement leur profession peuvent accéder à une voie dite « rapide », menant à l’obtention d’un permis restrictif.
Le nombre de places disponibles pour accueillir ces médecins au sein du réseau demeure toutefois limité. C’est le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) qui détermine les besoins en effectifs médicaux dans toutes les régions du Québec et qui autorise les médecins à travailler dans un établissement donné. Voici un survol des principales étapes.
Le CMQ se charge de tous les aspects de l’organisation du stage : recrutement du maître de stage, formation de celui-ci, lien avec les établissements, soutien au candidat et au maître de stage, etc. « Les médecins au Québec sont souvent sursollicités par la clinique, l’enseignement, et leurs multiples engagements. Cela peut être un défi de trouver des maîtres de stage ainsi que des milieux de stage », soutient la Dre Bédard.
Cinq membres du personnel administratif et une médecin-conseil œuvrent à ce processus et s’assurent d’offrir un service personnalisé. Une agente rencontre le candidat avant la tenue du stage afin de répondre à ses questions. Puis, le premier jour du stage, une autre rencontre est organisée en compagnie de la personne candidate, de deux membres de l’équipe du CMQ et du maître de stage, afin d’officialiser les objectifs et le déroulement de l’activité.
2. La voie « régulière »
Empruntée par les médecins qui ne sont pas admissibles au permis restrictif ou qui préfèrent refaire une formation au Québec, cette voie comporte plusieurs étapes. En voici un survol.
En résumé… qui fait quoi ?
Le Collège des médecins du Québec
- Procède à la reconnaissance des équivalences du diplôme M.D.;
- Valide les examens de connaissances médicales de base, lorsque requis;
- Valide les compétences des candidats;
- Organise les stages d’évaluation ou d’adaptation (pour les candidats au permis restrictif);
- Délivre les permis d’exercice dans les 60 spécialités médicales reconnues au Québec.
Les universités québécoises
- Gèrent les admissions dans les facultés de médecine et les programmes de résidence. Les places sont contingentées et déterminées par décret gouvernemental.
Le gouvernement du Québec
- Détermine les postes de médecins à combler selon un plan d’effectifs médicaux (PEM) et un plan régional d’effectifs médicaux (PREM);
- S’assure ainsi d’une répartition équitable des ressources, tant sur le plan géographique que sur le plan des spécialités médicales;
- Organise, via le service Recrutement Santé Québec, le parrainage entre la personne candidate et l’établissement parraineur.
Pour une meilleure intégration
Le CMQ est très conscient de l’importance de favoriser l’accueil des diplômés internationaux en médecine (DIM), particulièrement dans un contexte de pénurie des ressources médicales au Québec. « Nous cherchons activement des moyens novateurs pour permettre à ces médecins d’œuvrer dans le système de santé, surtout dans des secteurs où les besoins sont marqués, comme en médecine familiale », affirme la Dre Bédard.
Au cours des dernières années, des initiatives visant à faciliter les démarches d’obtention du permis ont été mises en place, que ce soit par la publication de vidéos informatives ou par l’ajout de ressources humaines afin d’accélérer le traitement des demandes.
Au-delà de l’accès au permis, le CMQ souhaite améliorer l’intégration et l’encadrement offerts aux DIM. « Nous sommes à réfléchir à une intégration plus personnalisée, qui pourrait inclure des ateliers et des formations. On pense aussi à une forme de mentorat pour accompagner ces médecins une fois arrivés dans leur milieu. »
Un bilan positif
Bien que le processus demeure perfectible, la Dre Bédard estime que le Québec peut être fier de son bilan en ce qui concerne l’accueil des DIM : « Le Québec a été innovateur, et ce, depuis longtemps », souligne-t-elle en rappelant que le permis restrictif existe ici depuis 1970. «
Chaque année, nous accueillons entre 70 et 75 diplômés internationaux en médecine via la voie du permis restrictif, dans nos 60 spécialités offertes au Québec, ce qui n’est pas le cas ailleurs au pays. »
Jusqu’à tout récemment, les autres provinces canadiennes accueillaient principalement des médecins de famille. On note toutefois certaines avancées, par exemple en Alberta, où l’éventail de spécialités accessibles aux DIM a été élargi.
De nouvelles avenues
Le CMQ demeure attentif aux initiatives d’autres pays. « La Nouvelle-Zélande offre un modèle très intéressant, cite en exemple la Dre Bédard. Le pays accueille beaucoup de médecins formés à l’étranger (dont plusieurs originaires du Royaume-Uni). Ces médecins exercent sous supervision pendant des périodes plus ou moins longues. »
Alors que le CMQ avait toujours fait le choix d’accueillir des médecins pouvant exercer de façon autonome, sans supervision, il est à analyser comment ces autres modèles pourraient s’appliquer au contexte québécois.
Élargir l’accès demeure toutefois un enjeu délicat. Des questions éthiques entrent notamment en ligne de compte, puisque l’accueil d’un plus grand nombre de médecins diplômés à l’international pourrait signifier un exode des ressources médicales dans leurs pays de provenance, où les besoins sont possiblement encore plus grands.
En somme, chaque mesure envisagée doit être soupesée, analysée avec rigueur et examinée sous tous les angles.
« Les attentes de la population québécoise en regard des soins qu’elle reçoit sont élevées. Le CMQ a pour mission de protéger le public, et c’est pourquoi il faut s’assurer de la qualité de la pratique médicale offerte au Québec. »Dre Marie-Josée Bédard, directrice des études médicales au CMQ