Recherche médicale : obligations déontologiques

En recherche médicale, il faut – au-delà des obligations déontologiques – favoriser le développement d’une attitude d’ouverture fondée sur une assise scientifique. Découvrez pourquoi.

En matière de recherche médicale, plusieurs dispositions sont intégrées au Code de déontologie des médecins. Il s’agit d’obligations mettant en lumière l’importance de la recherche pour le développement de la médecine et précisant son encadrement. Elles réaffirment que le médecin chercheur est d’abord un médecin et que l’intérêt de la patientèle doit demeurer au cœur de la recherche médicale. Voici un portrait de ces obligations déontologiques.

La profession médicale considère essentiel de reconnaître uniquement les traitements qui ont été soumis à une démarche scientifique empirique. La recherche médicale s’appuie sur cette démarche, pour permettre à des traitements expérimentaux de devenir des traitements reconnus et adoptés par la communauté médicale.

Démarche scientifique

L’évaluation des traitements selon une démarche scientifique est devenue la norme en médecine. La démarche scientifique empirique hypothético-déductive repose essentiellement sur la formulation d’hypothèses, l’expérimentation contrôlée en vue de confirmer ou d’infirmer ces hypothèses, la reproductibilité des expériences et le jugement critique par les pairs. Cette démarche ne peut se contenter du cas d’espèce, de l’anecdote, ni de l’expérience de la clinicienne ou du clinicien, si grande soit-elle.

Pour appliquer rigoureusement la démarche scientifique empirique, dans le cas de nouveaux traitements, il faut d’abord s’assurer que ceux-ci reposent sur des hypothèses plausibles avant de les expérimenter sur des patientes et des patients. Les études cliniques servent ensuite à mesurer les avantages et les risques que présentent ces nouveaux traitements et à comparer ces données avec les données sur les traitements reconnus, qui constituent les normes actuelles :

Article 45. Le médecin qui entreprend ou participe à une recherche sur des êtres humains doit se conformer aux principes scientifiques et aux normes éthiques généralement reconnus et justifiés par la nature et le but de sa recherche.

Chaque phase de cette démarche doit être menée selon un protocole de recherche répondant à des normes méthodologiques et éthiques strictes. Les protocoles de recherche doivent être approuvés par des comités d’éthique de la recherche (CER), avant que l’étude puisse débuter. Les CER doivent veiller à ce que ces études ne soient pas effectuées inutilement, que les risques qu’elles comportent soient acceptables et que les personnes participant à la recherche y consentent de façon libre et éclairée :

Article 30. Le médecin doit, vis-à-vis des sujets de recherche ou de leur représentant légal, s’assurer :

1o que chaque sujet soit informé des objectifs du projet de recherche, des avantages, risques ou inconvénients pour le sujet, des avantages que lui procureraient des soins usuels s’il y a lieu, ainsi que du fait, le cas échéant, que le médecin retirera des gains matériels de l’inscription ou du maintien du sujet dans le projet de recherche;

2o qu’un consentement libre, éclairé, écrit et révocable en tout temps, soit obtenu de chaque sujet avant le début de sa participation à la recherche ou lors de tout changement significatif au protocole de recherche.
Article 31. Le médecin doit, avant d’entreprendre sa recherche sur des êtres humains, obtenir l’approbation du projet par un comité d’éthique de la recherche qui respecte les normes en vigueur, notamment dans sa composition et dans ses modalités de fonctionnement. Il doit également s’assurer que tous ceux qui collaborent avec lui à la recherche soient informés de ses obligations déontologiques.
Article 61. Le médecin doit refuser de collaborer à toute activité de recherche dont les risques à la santé des sujets, sains ou malades, lui semblent hors de proportion par rapport aux avantages potentiels qu’ils peuvent en retirer ou aux avantages que leur procureraient des soins usuels, le cas échéant.

Le médecin a également une obligation d’intégrité et de transparence en recherche :

Article 87. Le médecin ne doit pas sciemment cacher les résultats négatifs d’une recherche à laquelle il a participé.

Par ailleurs, le Règlement sur les dossiers cliniques, les lieux d’exercice et la cessation d’exercice d’un médecin comprend des exigences spécifiques concernant les dossiers constitués pour toute personne participant à un projet de recherche.

Les traitements reconnus et non reconnus 

Des traitements sont reconnus ou cessent de l’être à la suite d’études sérieuses, qui sont effectuées selon des normes scientifiques strictes et conformément à des règles d’éthique ayant pour but de protéger les personnes qui y participent.

Voilà pourquoi l’utilisation de nouveaux traitements doit avoir lieu dans des milieux de recherche et selon des protocoles qui assurent le respect de ces normes. En dehors de ce cadre de recherche, le médecin doit offrir les traitements reconnus par la science médicale, comme le précisent ces différents articles du Code de déontologie des médecins :

Article 6. Le médecin doit exercer sa profession selon des principes scientifiques.
Article 44. Le médecin doit exercer sa profession selon les normes médicales actuelles les plus élevées possibles; à cette fin, il doit notamment développer, parfaire et tenir à jour ses connaissances et habiletés.
Article 47. Le médecin doit s’abstenir de faire des omissions, des manœuvres ou des actes intempestifs ou contraires aux données actuelles de la science médicale.
Choix de traitement éclairé

Pour que la patiente ou le patient puisse faire un choix de traitement éclairé, le médecin est tenu de fournir toute l’information dont il dispose pour l’aider dans sa décision. Il revient à la patiente ou au patient de consentir ou non à ces traitements et cette dernière ou ce dernier peut toujours envisager de recevoir un traitement non reconnu. Le cas échéant, le devoir d’information du médecin se maintient :

Article 49. Le médecin doit, à l’égard d’un patient qui veut recourir à des traitements insuffisamment éprouvés, l’informer du manque de preuves scientifiques relativement à de tels traitements, des risques ou inconvénients qui pourraient en découler, ainsi que des avantages que lui procureraient des soins usuels, le cas échéant.

Le médecin doit donc accompagner dans son processus de réflexion une patiente ou un patient qui envisage un traitement non reconnu, inefficace ou même dangereux :

  • en respectant son autonomie et en entendant ses choix, ses craintes et ses croyances;
  • et en l’informant des données scientifiques allant en faveur ou à l’encontre de certains traitements.

La patiente ou le patient doit par ailleurs être informé∙e que son médecin ne pourra pas nécessairement lui prescrire ni lui prodiguer un traitement non reconnu :

Article 48. Le médecin doit s’abstenir d’avoir recours à des examens, investigations ou traitements insuffisamment éprouvés, sauf dans le cadre d’un projet de recherche et dans un milieu scientifique reconnus.

Le médecin pourra maintenir ouvert le dialogue avec la patiente ou le patient et, si cette dernière ou ce dernier opte pour un traitement non reconnu, l’aviser qu’il lui sera toujours possible de recevoir les soins nécessaires conformément aux normes de pratique reconnues au Québec.

Dans le cas particulier d’un enfant, le médecin a le devoir d’agir s’il juge que des traitements non reconnus, auxquels les parents ou les personnes détentrices de l’autorité parentale ont décidé de soumettre l’enfant, menacent la sécurité de ce dernier :

Article 39. Le médecin doit signaler au directeur de la protection de la jeunesse toute situation pour laquelle il a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis; il doit alors fournir au directeur tout renseignement qu’il juge pertinent en vue de protéger l’enfant. […]

Les obligations du médecin face aux traitements reconnus et non reconnus s’appliquent également lors de ses déclarations publiques :

Article 88.0.1. Le médecin qui s’adresse au public doit communiquer une information factuelle, exacte et vérifiable. […]
Article 89. Le médecin exposant des opinions médicales par la voie de quelque média d’information doit émettre des opinions conformes aux données actuelles de la science médicale sur le sujet et, s’il s’agit d’une nouvelle méthode diagnostique, d’investigation ou de traitement insuffisamment éprouvée, mentionner les réserves appropriées qui s’imposent.
Conclusion

Au-delà des obligations déontologiques, il faut favoriser, chez les médecins comme chez la patientèle et la population en général, le développement d’une attitude d’ouverture fondée sur une assise scientifique. D’une part, cette attitude permet de nourrir des attentes réalistes envers les traitements médicaux et reconnaît les limites des traitements offerts par la médecine. D’autre part, elle soutient que le progrès est possible dans la mesure où l’évaluation des traitements est conforme à certaines normes scientifiques et éthiques.