Budget, santé et secteur privé : le gouvernement fait du sur-place!

Lisez le mot du président du 4 avril 2025

Nous le scandons depuis des années et sur toutes les tribunes : la population québécoise a assez patienté! Elle ne doit plus prendre son mal en patience ni faire les frais d’un système de santé essoufflé, de plus en plus bancal et à deux vitesses. Le corps médical doit aussi, de son côté, pouvoir exercer dans des conditions dignes de ce nom. C’est une question de respect, de dignité, de professionnalisme et d’humanité. Des gestes forts doivent être posés afin que ce réseau de santé universel qui a longtemps fait notre fierté retrouve enfin ses lettres de noblesse : l’accessibilité, la qualité, la sécurité et la gratuité.

Privé en santé

Le ministre de la Santé nous apprenait mardi que des amendements à son projet de loi no 83 seraient apportés : les médecins désireux de quitter le public pour le privé devront obtenir l’aval préalable de hauts gestionnaires du réseau en fonction de critères stricts. Le privé pourra aussi être appelé en renfort lorsque le public peinera à offrir aux patients les consultations et interventions dont ils ont besoin. Le tout, aux frais de l’État. S’il s’agit d’une solution temporaire visant à réduire les listes d’attente post COVID, cela est sensé. Mais les études que nous avons consultées confirment qu’au fil du temps cela s’avère inefficace et coûteux pour les contribuables. Vaut mieux, à long terme, investir dans le réseau public.

Nous aurions souhaité que le gouvernement québécois aille plus loin, comme nous l’exposions en commission parlementaire cet hiver. Parce qu’elle favorise la pénurie de personnel dans nos hôpitaux, la valse des cliniciens entre le public et le privé doit être interdite. Parce qu’il contribue à l’instauration d’une médecine à deux vitesses qui bénéficie d’emblée aux gens les plus fortunés, le financement des soins et chirurgies au privé ne doit servir que de solution d’appoint pour réduire les listes d’attente. Et parce qu’il ampute le budget du réseau public de sommes astronomiques, le financement d’interventions chirurgicales en cliniques privées doit être réduit à sa plus simple expression. Il en va de la survie de notre régime universel et public de soins.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le sort des jeunes diplômés en médecine. Un service public obligatoire d’au moins 5 ans assorti de sanctions financières est bel et bien envisagé par l’État, mais qu’en est-il de la volonté gouvernementale initiale d’un engagement ferme à exercer au Québec après la résidence, moyennant des sanctions pénales? Le CMQ est inquiet, car s’il nous apparaît important que les nouveaux médecins exercent au public en début de carrière, nous estimons que des amendes ne devraient pas leur être imposées, pas plus que des obligations de pratique au Québec. Des carcans aussi rigides, sans permettre de s’attaquer au nœud du problème, risquent de décourager bon nombre de jeunes de choisir cette profession et même d’étudier la médecine chez nous. Nous le réitérons : s’aventurer sur cette voie n’est absolument pas souhaitable, c’est même risqué.

Budget du Québec

Lors du dépôt du budget de l’État québécois, la semaine dernière, le Collège a pris acte des 1,2 milliard $ débloqués, de la fin des coupures de 1,5 milliard $ dans le réseau public et des centaines de millions $ récupérés par Santé Québec. C’est louable bien que trop peu. Quand on s’y attarde de plus près, on constate que ce même budget énonce des hausses de seulement 3 % en santé en 2025 et d’un maigre 2 % en 2026. Cela ne permettra pas de moderniser nos infrastructures et de rehausser nos outils technologiques comme il se doit. Et par voie de conséquence, l’érosion des ressources humaines vers le privé, loin de stagner, risque fort de s’accentuer.

C’est comme si Québec choisissait de geler volontairement le financement en santé : comment espérer, alors, innover, redéfinir les parcours de soins, mieux accompagner les patients souffrants, valoriser le travail des soignants, développer les soins à domicile et écourter les listes d’attente en chirurgie? Tout indique que Santé Québec estime aussi que son financement à venir est insuffisant pour fournir aux citoyennes et aux citoyens les soins attendus. Il circule des informations à l’effet qu’il y aurait un manque à gagner de plus de 3,5 milliards $. On voit mal, dans les circonstances, comment on pourra soulager la première ligne et bonifier les soins à domicile. Tout cela nous préoccupe grandement.

Au nom du public que nous avons la mission de protéger et de vous, nos médecins membres, nous sommes préoccupés.

Au secours de l’HMR

L’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) dessert tout l’Est de la métropole : cela correspond grosso modo à 550 000 habitants, soit près du tiers de la population de l’île de Montréal. Vieillissants, bon nombre des résidents du territoire vivent dans des conditions précaires, en plus d’être aux prises avec de nombreuses comorbidités. L’HMR est donc plus qu’essentiel à la santé de la communauté montréalaise.

Pour y avoir fait escale lors de ma tournée des pôles en santé, je peux vous l’assurer : cet hôpital, bien qu’universitaire, tient littéralement avec de la broche! Des dizaines de milliers de patients y défilent annuellement et sont reçus par des praticiens performants et aux petits soins, qui ne ménagent aucun effort malgré des bâtiments plus que vétustes qui tombent quasiment en ruine.

Bien que nous saluions l’annonce récente d’investissements hospitaliers, dont l’agrandissement du bloc opératoire de Chicoutimi et la modernisation du plateau technique de Saint-Jérôme, nous apprenions à regret un nouveau report du chantier de l’HMR. Les travaux de reconstruction et d’agrandissement tant attendus de l’établissement universitaire sont reportés à 2026, voire bien plus tard encore.

Rénove, ne rénove pas. Investit, n’investit pas… Le gouvernement joue sans cesse au yoyo avec l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont! Son personnel comme sa patientèle ne savent jamais sur quel pied danser : au fil des ans, cela devient lassant et c’est tout l’Est de Montréal qui en paie le prix! Les citoyens se sentent abandonnés et les employés perdent le feu sacré. Cela a assez duré   le CMQ joint donc sa voix à celle de toute la communauté médicale de l’HMR pour demander au gouvernement une mise en chantier officielle doublée d’un échéancier clairement établi, pour ne pas dire coulé dans le béton.

Êtes-vous du même avis? Croyez-vous que le budget Girard soit trop restreint? Qu’en matière de soins privés, le gouvernement ne va pas assez loin? Et que les investissements hospitaliers mettent à mal certains pans vulnérables de la population? Exprimez-vous à ce propos dans la section Forum de votre Info Collège!

Mauril Gaudreault, M.D.,
Président du Collège des médecins du Québec


Dans le cadre de ses fonctions, il représente le Collège auprès des instances politiques et de divers partenaires afin d'en assurer le rayonnement. Il s'assure que les services de l'ordre reflètent bien sa mission, soit de protéger le public en veillant à une médecine de qualité.