Quand il faut prescrire un arrêt de médication
Les antidépresseurs ne créent pas de dépendance, mais leur arrêt peut entraîner des symptômes de retrait et un processus de sevrage. Comment mieux accompagner les patients pour éviter ces contrecoups?
Plusieurs médicaments, dont les antidépresseurs, peuvent provoquer une variété d’effets secondaires selon les individus, et leur efficacité peut varier tout autant. Craintifs ou mal informés, certains patients qui prennent des antidépresseurs choisissent de modifier eux-mêmes leur prescription ou carrément d’arrêter la médication, sans consulter leur médecin. Certains le font à la suite d’effets secondaires ressentis, d’autres appréhendent ceux-ci. Or, bien que les antidépresseurs ne créent pas de dépendance, leur arrêt peut provoquer des symptômes de retrait et un processus de sevrage. Comment mieux accompagner les patients pour éviter ces contrecoups?
Dialoguer pour mieux accompagner
Lorsqu’il est question de sevrage, en tant que prescripteurs, les médecins ont le rôle d’ouvrir le dialogue avec leurs patients. Chaque personne est « l’experte » lorsque vient le moment d’exprimer les effets de la médication sur son corps.
ATTENTION À LA VAGUE
Parmi tous les maux que la pandémie aura exacerbés, la montée fulgurante de la détresse, des troubles d’anxiété et de la dépression impose une réflexion dans le monde médical. En 2020, la hausse de prescription d’antidépresseurs et d’anxiolytiques a été deux fois plus rapide que dans les 15 années précédentes1. Concrètement, en octobre 2020, 402 835 personnes au Québec avaient une ordonnance d’antidépresseurs2. C’est presque la population de la ville de Laval!
« Le dialogue est un outil qui permet d’expliquer, de rassurer, de consoler quand c’est nécessaire. Le patient doit se sentir coresponsable de son propre rétablissement », explique le Dr Daniel Guimaraes, psychiatre et chercheur clinicien à l’Université de Sherbrooke, ayant lui-même vécu des histoires positives d’accompagnement de certains patients pour un sevrage de médication.
Les soignants ont tout avantage à adapter leur pratique pour amener une discussion éclairée, dissiper les malentendus et répondre aux questionnements des personnes qui les consultent. La prise de décision doit être basée sur la bienveillance, mais aussi sur l’autonomie de la personne qui connaît ses maux. Le professionnel doit faire preuve de transparence, car toute apparence de contrôle de l’information peut renforcer les peurs et pousser à un sevrage dangereux.
La prise de décision doit être basée sur la bienveillance, mais aussi sur l’autonomie de la personne qui connaît ses maux.Dr Daniel Guimaraes, Psychiatre et chercheur clinicien à l’Université de Sherbrooke
Nicolas Aubé-Lanctôt, artiste multidisciplinaire et patient-partenaire pour qui la relation de soin avec le Dr Guimaraes a été déterminante dans son sevrage, abonde dans le même sens?: « Il y a beaucoup de monde dans la pratique qui ne semble pas ouvert d’esprit, qui semble avoir choisi ce métier pour réparer les gens, mais pas pour les comprendre. C’est le patient qui peut le mieux observer comment son corps réagit face à une médication », note-t-il.
Comprendre la souffrance, pas à pas
« Les montagnes russes, on les a vécues ensemble, mon psychiatre et moi, partage Nicolas. Il a toujours été à l’écoute, il a misé sur ma recherche d’équilibre, sur mes objectifs. Il a toujours pris la peine de m’informer des alternatives possibles. Quand je suis devenu sobre, il y a maintenant 13 ans, son écoute axée sur mes besoins a fait toute la différence. J’ai toujours senti qu’on avançait ensemble vers mon mieux-être. »Chaque intervention personnalisée doit s’attarder au passé, aux attentes de la personne, aux difficultés comme aux étapes de sevrage pour créer des espaces de dialogue, et surtout un partenariat à long terme.
Au-delà d’une prescription, ce sont la relation et l’écoute qui soignent. Chaque partenariat devrait être unique. « Mon seul conseil est celui de bien connaître son patient, l’humain devant soi, affirme le Dr Guimaraes. Ça prend un peu plus de temps que ce à quoi les médecins sont habitués. Toutefois, le contact direct et de qualité entre le patient et le médecin prédisent la réussite, spécialement pour le suivi de problèmes chroniques de santé physique et mentale. »
« L’humanisme devrait être à la base de la philosophie de la profession. Je conseillerais aux futurs médecins d’être à l’écoute des besoins, c’est le chemin le plus rapide vers l’amélioration de la qualité de vie de vos patients », conclut Nicolas.
Pour en savoir plus
Créé en 2022, le site Web « Nous & la médication » est une initiative citoyenne donnant accès à une multitude de références, ressources et témoignages sur le thème du sevrage, tant pour les patients que pour les professionnels.
1 Tiré de l’article «Vraiment dur sur le moral?», La Presse, données de la RAMQ, 8 janvier 2021.
2 Idem.
Dr Daniel Guimaraes,
Psychiatre et chercheur clinicien à l’Université de Sherbrooke