Prévention du suicide: recommandations découlant des rapports du coroner
Avis du coroner
À la lecture de plusieurs rapports de coroners concernant des cas de suicide, le CMQ souhaite sensibiliser les médecins aux points d’information suivants.
Recommandations découlant des rapports du coroner
Le Bureau du coroner transmet régulièrement au Collège des médecins du Québec des rapports d’investigation afin d’améliorer les soins offerts aux patients. Dans le cadre de son travail, un coroner revoit les dossiers médicaux des personnes décédées afin de clarifier les circonstances entourant leur décès. Plusieurs rapports concernent des cas de suicide. Voici les principaux points d’information qui en ressortent.
Le coroner constate que « l'évaluation du risque suicidaire est une tâche très difficile et potentiellement incertaine. En effet, les professionnels de la santé n'ont pas de moyens objectifs comme des radiographies ou des dosages sanguins pour faire leurs diagnostics. Ils doivent se fier au discours de leur patient et dépister leurs éventuels omissions et subterfuges1 ».
Toutefois, à la lecture de plusieurs rapports relatant des cas de suicide, on retient les messages suivants :
- Lors de l’évaluation d’une personne présentant un problème de santé mentale tel qu’un trouble dépressif, il est important de vérifier la présence d’idées suicidaires ou hétéroagressives (agressivité à l’égard des autres) et la possibilité d’un passage à l’acte impulsif. Le cas échéant, le risque suicidaire ou homicidaire doit être évalué. Cette tâche est parfois complexe, car il arrive qu’une personne cherche à dissimuler de telles informations.
- En présence d’idées suicidaires, le médecin doit évaluer la pertinence de fractionner les quantités de médicaments qu’il prescrit en demandant au pharmacien de servir une plus petite quantité à la fois.
- Des stresseurs objectivement identifiables tels qu’une rupture amoureuse, l’éloignement géographique de proches significatifs, des pressions exercées par l’employeur ou l’insécurité financière peuvent entraîner un état de détresse et donner lieu à un débordement des mécanismes d’adaptation propres à chaque individu.
- Les traumatismes négatifs durant l’enfance doivent être considérés lors de l’évaluation des problématiques de santé mentale.
- En présence d’un trouble de santé mentale, le médecin doit s’assurer que le patient recevra un suivi pertinent en temps opportun et qu’au besoin, notamment en attente d’une consultation, un filet de sécurité est mis en place (organismes communautaires, ligne téléphonique en prévention du suicide, centre de crise, centre de prévention du suicide, salle d’urgence hospitalière, Info-Social 811, etc.).
- Avec l’autorisation du patient, il est pertinent de communiquer avec ses proches tant pour obtenir des informations sur l’évolution longitudinale de celui-ci que pour les intégrer dans la prise en charge du problème.
- En présence d’un épisode dépressif, il est pertinent de rechercher des symptômes et signes témoignant d’une période antérieure de manie et vice versa.
Consulter également : Levée du secret professionnel: quand y recourir?
Pour plus d’information : Stratégie nationale de prévention du suicide 2022-2026 (MSSS)
Suivi régulier en cas de trouble bipolaire
Lors du suicide d’un patient ayant un trouble bipolaire, le coroner suggère de bonifier la formation des médecins de famille sur la prise en charge de cette maladie.
Le trouble bipolaire touche environ 2 % de la population selon le MSSS2. Les médecins de famille sont de plus en plus impliqués dans le suivi de ces patients, car les besoins dépassent l’offre de service des psychiatres.
Le trouble bipolaire doit être considéré comme une maladie chronique et faire l’objet d’un suivi régulier au même titre que le diabète ou l’hypertension artérielle. Chez un patient ayant un trouble bipolaire, le médecin doit notamment rechercher les signes et symptômes de décompensation (phase de dépression ou de manie), évaluer son fonctionnement psychosocial, vérifier l’efficacité et les effets secondaires de la médication et s’informer de l’adhésion à la thérapie médicamenteuse. Pour guider sa prise en charge, le médecin doit se baser sur les données probantes de la littérature.
Le taux de suicide3 est important chez les patients ayant un trouble bipolaire (6 à 7 %). Les tentatives de suicide chez ces patients sont également plus souvent fatales que dans la population en général. Selon les lignes directrices CANMAT3, une évaluation du risque suicidaire adaptée à la situation devrait être réalisée lors d’un suivi pour trouble bipolaire.
Afin d’assurer les soins requis au patient et de lui fournir le filet de sécurité nécessaire, une approche interprofessionnelle, avec l’implication de ressources communautaires, est recommandée.
Pour plus d’information, veuillez consulter la littérature des sociétés savantes sur ce thème.
1 Rapport d’investigation du coroner 2021-07571.2 Ministère de la Santé et des Services sociaux, Statistiques de santé et de bien-être selon le sexe - Tout le Québec.
3 Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT) and International Society for Bipolar Disorders (ISBD) (2018). Guidelines for the management of patients with bipolar disorder.