Pl 15 - Le fond et la forme
« Certains aspects du projet de loi nous préoccupent grandement. Voici quelques exemples où les intérêts des patients se perdent et où la compétence des médecins n’est pas mise à profit. » - Dr Mauril Gaudreault
Vendredi dernier, je demandais au gouvernement de nous donner le temps d’analyser adéquatement le « mammouth » de 1200 articles. Notre audition, d’abord prévue le 20 avril, était précipitée. Quelques heures après la diffusion de notre demande, une nouvelle date nous a été proposée. Finalement, le Collège des médecins sera entendu le 9 mai prochain. Nous saluons l’agilité des parlementaires de la Commission de la santé et des services sociaux qui étudient le projet de loi no 15.
Sur le fond, nous sommes d’accord avec les orientations du projet de loi visant à améliorer l’accès aux soins et avec toute mesure menant à prendre davantage en considération la voix des patientes et des patients au sein du réseau. Cela est parfaitement aligné sur notre mission de protéger le public en offrant une médecine de qualité.
Un réseau désorganisé
Nous sommes également d’accord que la gestion du réseau et les orientations de ses activités doivent être séparées. Mais il y a la manière de faire tout cela. Il apparaît en effet parfois en trame de fond du discours public que la prémisse du projet de loi est que les médecins ne travaillent pas assez. Nous prétendons plutôt que le réseau mérite une réorganisation importante pour optimiser les efforts de tous les professionnels de la santé.
Nous croyons fermement que les médecins, comme tous les professionnels de la santé, ont une responsabilité populationnelle collective à l’endroit des communautés qu’ils desservent, mais que celle-ci ne peut être honorée que s’ils disposent des ressources, des outils et du contexte adéquat pour ce faire. La mobilisation a bien meilleur goût.
Par ailleurs, certains aspects du projet de loi nous préoccupent grandement. Voici quelques exemples où les intérêts des patients se perdent et où la compétence des médecins n’est pas mise à profit.
Pouvoirs décisionnels
Nous estimons que beaucoup trop de pouvoirs décisionnels seront concentrés dans très peu de mains. Par exemple, les gestionnaires qui accordent les privilèges de pratique aux médecins ne devraient pas être les mêmes que ceux et celles qui imposent les décisions disciplinaires. Il y a beaucoup trop de place pour l’arbitraire dans le nouvel organigramme, ce avec quoi nous sommes en désaccord.
Autonomie professionnelle
La répartition des effectifs médicaux sur le territoire, en lien avec de nouvelles obligations populationnelles, ne peut se faire dans le cadre d’une approche strictement administrative. Il faut absolument reconnaître l’expertise particulière de chaque médecin. Toute atteinte à la liberté d’installation et de pratique doit donc être balisée. Et il faut notamment adapter les parcours pour les membres en fin de carrière.
Cogestion
Un milieu de soins fonctionne mieux lorsqu’il existe une véritable cogestion clinique et administrative. Cela crée une synergie qui garantit la meilleure organisation des soins, au bénéfice des patientes et des patients. Du reste, le Collège réclame que les médecins occupant des fonctions médico-administratives soient bien formés, mieux épaulés et rémunérés à la hauteur des responsabilités qui leur sont confiées.
De la même manière que le projet de loi prévoit de nouveaux dispositifs pour porter la voix des usagers, celle des médecins doit se faire entendre au travers des CMDP actuels.
Nous notons que le projet de loi est exclusivement centré sur l’organisation des soins en établissement. Or, pour assurer une proximité et une continuité des soins, les règles de gouvernance des soins de santé doivent inclure les soins dispensés hors établissement par l’ensemble des ressources communautaires.
Un mémoire en préparation
Nous présenterons ces préoccupations et plusieurs autres lors de notre passage en commission parlementaire. Le mémoire du Collège, en cours de rédaction, mobilise les membres de notre Conseil d’administration, qui compte des médecins et des représentantes et représentants du public. Toutes et tous portent la mission de protection du public par une médecine de qualité. Celle-ci suppose un accès aux soins et la possibilité pour les médecins d’exercer dans des conditions optimales.
Dr Mauril Gaudreault, M.D.,
Président du Collège des médecins
Dans le cadre de ses fonctions, il représente le Collège auprès des instances politiques et de divers partenaires afin d'en assurer le rayonnement. Il s'assure que les services de l'ordre reflètent bien sa mission, soit de protéger le public en offrant une médecine de qualité.