Mise au point : le Collège répond à la Commission sur les soins de fin de vie
Voilà la rentrée! Tout l’été durant, nous avons parlé des feux de forêt destructeurs dans le Nord québécois et des pluies diluviennes qui se sont abattues partout sur la province. Tous deux découlent des changements climatiques et ont des incidences à moyen et à long terme sur notre santé.
Et nous avons aussi beaucoup parlé d’aide médicale à mourir.
Dans un rappel diffusé en plein été à l’ensemble des médecins, puis repris dans des médias québécois, canadiens et européens, la Commission sur les soins de fin vie (CSFV) souligne que « le nombre d’AMM administrées continue d’augmenter en 2023 ». La note mentionne aussi, sans en préciser le dénombrement exact, qu’il y aurait davantage de cas complexes, plus de cas à la limite des conditions imposées par la loi et un plus grand nombre de cas non conformes. La note met également en garde contre le « magasinage » d'un avis favorable par un 2e médecin. Elle mentionne enfin qu’il « est trop tôt pour conclure à une dérive dans les AMM administrées ».
Les faits
Pour le Collège des médecins, il est clair qu’il n’y a pas trop d’AMM administrées. Et d’ailleurs, trop par rapport à quoi? Sur quel élément de comparaison utile et scientifique la CSFV se base-t-elle ici pour le laisser présager? Le pourcentage d’AMM enregistré par rapport à l’ensemble des décès annuels au Québec est de 6,1%. Il est de 5,5 % en Colombie-Britannique. Qu’en conclure?
Le rapport de la CSFV 2021-2022 a dénombré 3 663 AMM en un an et précise que « la presque totalité des AMM (plus de 99%) a été administrée conformément aux exigences de la Loi concernant les soins de fin de vie (LCSFV). » C’est révélateur, non?
La vigilance
Le Collège entend les préoccupations formulées par la CSVF. Il continuera de s’assurer de la rigueur et de la qualité de cet acte. À ce jour cependant, rien ne nous permet de conclure au début d’une quelconque dérive.
Ce que nous constatons, en revanche, c’est que des médecins nous contactent régulièrement pour nous faire part de leur inquiétude à prodiguer les différents soins de fin de vie. Dans certains cas, même, ils nous confient ne plus vouloir les pratiquer par crainte de représailles. Ils s’expriment aussi de la sorte entre pairs, sur leurs lieux de travail, ainsi que dans différents forums de discussion.
À titre d’ordre professionnel chargé de la protection du public et préoccupé par l’accès aux soins, une telle situation inquiète le Collège des médecins. Nous sommes d’avis qu’il ne faut pas voir le nombre de cliniciennes et cliniciens aptes à administrer les soins de fin de vie diminuer alors que la demande, elle, va en s’accroissant. D’autant que plusieurs facteurs médicaux et sociaux peuvent expliquer par ailleurs l’augmentation du recours à l’AMM :
- Le vieillissement de la population;
- Les lois, de mieux en mieux connues par la population et le personnel soignant;
- La plus large accessibilité des soins;
- Le retrait du critère de fin de vie des conditions d’admissibilité sine qua non à l’AMM;
- La hausse marquée de patients qui renoncent à des traitements agressifs ou ne souhaitent pas se rendre au terme d’une maladie incurable.
Guider les médecins et éclairer la population
Le contexte légal actuel a assurément semé la confusion dans le dossier de l’AMM. D’une part, deux lois – une fédérale et une québécoise – cohabitent et ne confèrent pas à tous le même accès aux soins de fin de vie. D’autre part, un comité mixte spécial des Communes et du Sénat étudie actuellement des scénarios d’élargissement d’accès aux soins, tout comme l’Assemblée nationale. Le Collège participe d’ailleurs activement à ces deux démarches.
Il est donc important que tout le corps médical soit familier avec l’ensemble des soins de fin de vie et que les patientes et patients soient informés adéquatement afin de faire des choix éclairés. Nous savons que les cas sont parfois plus complexes et qu’il faut accompagner les cliniciens. En collaboration avec les autres ordres professionnels concernés, nous travaillons actuellement à l’élaboration d’une série de nouvelles fiches pratiques sur l’AMM. Nous préparons aussi un webinaire sur les soins de fin de vie, qui se tiendra le mois prochain et auquel la CSFV participera. Enfin, des vignettes d’information, destinées au grand public, sont aussi en production, en vue d’une diffusion dans les médias sociaux.
Chose certaine, le Collège continuera de s’assurer que l’AMM est disponible et prodiguée dans le respect de la loi, conformément à la volonté des personnes souffrantes. Il veillera à ce que rien ne vienne décourager les médecins d’administrer l’AMM, ni ne vienne entraver son accès aux personnes qui en ont besoin et qui y ont droit.
Mauril Gaudreault, M.D.,
Président du Collège des médecins du Québec
Dans le cadre de ses fonctions, il représente le Collège auprès des instances politiques et de divers partenaires afin d'en assurer le rayonnement. Il s'assure que les services de l'ordre reflètent bien sa mission, soit de protéger le public en offrant une médecine de qualité.