Identité de genre : mieux comprendre pour mieux soigner
Dans une ère d’inclusion et d’ouverture, la diversité sexuelle et de genre demeure toutefois incomprise à plusieurs égards, notamment dans le domaine médical. Comment offrir des soins réellement inclusifs?
Au Québec, en 2021, 16 225 personnes s’identifiaient comme trans ou non binaires1. Dans une ère d’inclusion et d’ouverture, la diversité sexuelle et de genre demeure toutefois incomprise à plusieurs égards, notamment dans le domaine médical. Comment offrir des soins réellement inclusifs?
Identité de genre, expression de genre ou orientation sexuelle?
Tout d’abord, il faut bien comprendre de quoi il est question. L’identité de genre renvoie à l’expérience de chaque personne par rapport à son genre. Il s’agit du sentiment d’être femme, homme, les deux, ni l’un ni l’autre, ou de se situer à un autre point dans le continuum des genres2. L’expression de genre désigne plutôt la manière dont une personne exprime ouvertement son genre. Cela inclut par exemple ses comportements et son apparence3.
Pour Henri-June Pilote, homme trans non binaire, ancien directeur général de l’organisme AlterHéros et conférencier sur les enjeux trans, « il faut déconstruire l’idée que l’identité de genre et l’expression de genre sont synonymes ».
« Encore aujourd’hui, il peut être difficile pour un homme trans de porter une robe (donc, d’exprimer son genre) sans susciter des questions sur son identité de genre. On doit comprendre que les personnes trans et non binaires n’ont pas à être extrêmement masculines ou féminines pour être valides », souligne-t-il.
Les notions liées au genre sont aussi souvent confondues avec l’orientation sexuelle, qui se définit par l’attirance physique, romantique ou sexuelle que peut avoir une personne pour autrui. L’identité et l’expression de genre se rapportent plutôt à un sentiment intime et personnel.
LA COMMUNAUTÉ TRANS ET NON BINAIRE EN CHIFFRES Au Québec, 0,23 % de la population s’identifie comme trans et/ou non binaire4. Au Canada, une personne sur 300 âgée de 15 ans et plus se considère comme trans ou non binaire5. De plus, 0,79 % des personnes de la génération Z (nées entre 1997 et 2012) s’identifient comme trans ou non binaires, contre 0,15 % des baby-boomers6. |
Assumer sa différence dans le réseau de la santé
Les personnes de la communauté 2SLGBTQ+ ont besoin, comme tout le monde, de naviguer à travers le système de santé pour se faire soigner. C’est pourtant l’un des milieux où elles se sentent le plus discriminées.
Selon l’étude française Santé LGBTQ : les minorités de genre et de sexualité face aux soins, dont les conclusions ont été publiées en 2020, plus de 50 % des répondants appartenant à cette communauté ont déjà vécu de la discrimination dans leur parcours de soins7. Sachant que ces personnes sont trois fois plus à risque de souffrir de détresse psychologique8, leur besoin d’écoute et d’empathie de la part des professionnelles et professionnels de la santé est d’autant plus grand.
La même étude a démontré que 40 % des personnes de la communauté 2SLGBTQ+ taisent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre pour éviter de subir de la discrimination.
Selon Henri-June Pilote, ces conclusions ne sont pas liées au comportement de personnes mal intentionnées. Cela s’explique davantage par une mauvaise compréhension des enjeux trans dans le milieu de la santé. « Nous avons parfois l’impression d’en savoir plus que les professionnels, par exemple sur les effets des hormones sur le corps. Ça peut avoir un impact sur la relation de confiance nécessaire entre un patient et son médecin », estime-t-il.
Nous avons parfois l’impression d’en savoir plus que les professionnels, par exemple sur les effets des hormones sur le corps. Ça peut avoir un impact sur la relation de confiance nécessaire entre un patient et son médecin.Henri-June Pilote, Conférencier sur les enjeux trans
Pour des soins plus inclusifs
Heureusement, plusieurs acteurs travaillent à déconstruire les préjugés et à offrir une médecine plus ouverte et inclusive. Par exemple, l’Association professionnelle canadienne pour la santé transgenre (CPATH) est une organisation nationale qui se consacre à la santé, au bien-être et à la dignité des personnes trans. Elle a notamment produit un Code d’éthique en matière de recherches concernant celles-ci.
INVISIBLES DANS LA DOCUMENTATION ET LA RECHERCHE Ecore aujourd’hui, les réalités de la communauté trans et non binaire sont absentes de la documentation médicale et des recherches scientifiques. Ces lacunes sont graves puisque les données sur la santé des personnes trans sont essentielles pour entraîner des changements de politiques et de pratiques9. |
Dans le milieu universitaire, les mentalités tendent à changer. Nombreux sont les établissements d’enseignement supérieur qui offrent maintenant des conférences et des activités pour sensibiliser leurs cohortes à ces réalités.
Pour le Collège des médecins, la diversité est une richesse et offrir une médecine de qualité implique de traiter tous les patients équitablement, dans le respect de leur unicité.
« Il faut être à l’écoute de la communauté 2SLGBTQ+, la comprendre et déconstruire nos propres préjugés. C’est à la profession et à ses membres d’adapter leur pratique à sa réalité. » - Dre Nathalie Saad, pneumologue et vice-présidente du CA du Collège
N’est-il pas temps que le système de santé affiche les couleurs de la diversité, de l’équité et de l’inclusion?
Pour en savoir plus...
- L'entrevue 5 questions au Dr Nicholas Chadi tirée du webzine Actualité M.D.
- Le site Soins de nos enfants et sa rubrique l’identité de genre, pour comprendre cette réalité chez les enfants
- Les organismes communautaires de soutien aux personnes trans, présents partout au Québec
- Le livre Des mots pour exister de la Coalition des familles LGBT+, qui brosse le portrait des réalités vécues au Québec
1 Statistique Canada, 2022.
2-3 Gouvernement du Canada, « Identité de genre et expression de genre », 2016.
4-5 Statistique Canada, 2022.
6 Statistique Canada, « L’écart générationnel chez les personnes transgenres ou non binaires », 2022.
7 Tiré de l’article de Samuel Larochelle, « Des patients LGBTQ+ dénoncent une médecine insensible », La Presse, 9 août 2021
8 Tiré de l’article de Jean-Benoît Legault, « Santé mentale: les jeunes transgenres et non binaires
inquiètent », L’actualité, 3 mars 2022.
9 Association professionnelle canadienne pour la santé transgenre, « Un Canada sans obstacle
à la santé et au bien-être des personnes trans et de diverses identités de genre », 2019.
Photos : Mélissa Vaitilingame et Caroline Perron
Henri-June Pilote,
Conférencier sur les enjeux trans
Henri-June Pilote est un homme trans non binaire, ancien directeur général de l’organisme AlterHéros