5 questions au Dr Nicholas Chadi
Bien que beaucoup de travail ait été fait sur l'éducation des médecins sur la diversité, on peut certainement améliorer les choses. Lisez les conseils du Dr Chadi, cofondateur et codirecteur de la Clinique de diversité de genre au CHU Sainte-Justine.
1. Quelles sont les difficultés encourues par les personnes de la communauté 2SLGBTQ+ dans le système de santé ?
L’acceptation de la diversité est en amélioration au Québec, mais il demeure des barrières au niveau de la stigmatisation des minorités sexuelles. Il en existe plusieurs au niveau administratif. Par exemple, l’utilisation des pronoms et des prénoms préférés peut être difficile à implanter pour les personnes en période de transition. Comme les documents légaux ne sont pas toujours à jour, ces personnes peuvent se faire mégenrer. D’autre part, ces personnes peuvent craindre le jugement du personnel de la santé. Le fait de ne pas savoir comment chaque professionnel réagira à leur identité de genre peut entraîner une gêne à se confier et à être honnête avec son médecin. La relation de confiance est plus difficile à établir.
2. Comment faites-vous pour que les patients soient à l’aise
Plusieurs choses simples peuvent être mises en place par les professionnels pour rendre leur pratique plus inclusive. Tout d’abord, l’organisation de l’espace peut être réfléchie pour promouvoir la diversité. Par exemple, avoir des affiches et pancartes aux couleurs de l’arc-en-ciel peut inspirer confiance aux patients de la communauté 2SLGBTQ+. De plus, avoir des toilettes non genrées permet d’éliminer tout inconfort à ce niveau.
Aussi, par son approche, chaque médecin peut démontrer son ouverture. Personnellement, je porte une épinglette multicolore bien visible. Aussi, je me présente en mentionnant mon prénom et mes pronoms et je demande à chaque patient de faire de même, sans tenir pour acquis que les informations sur leur carte d’assurance maladie sont bonnes. Une attention particulière est également portée aux documents administratifs pour réduire le risque de mégenrer les patients.
Mégenrer : Attribuer à une personne, volontairement ou non, un genre dans lequel la personne ne se reconnaît pas (Wiktionnaire)
3. Est-ce que la diversité prend une place suffisamment grande dans l’éducation des futurs médecins ?
Je pense qu’il y a déjà des améliorations. Par exemple, lors de mes études en médecine, je n’ai pas eu de cours magistraux sur la diversité de genre ou la diversité sexuelle. Maintenant, dans les différentes universités québécoises, on commence à voir des cours sur la question ou des conférences qui amènent une sensibilisation chez les médecins en devenir. Cependant, je travaille avec beaucoup d’étudiants et ils me disent souvent qu’ils ne se sentent pas outillés pour faire face à la diversité dans leur pratique.
Qu’est-ce qui devrait être modifié ou amélioré selon vous ?
Je pense qu’on a besoin de plus d’enseignement formel sur tous les enjeux qui touchent cette communauté dans les cours universitaires. Il est également nécessaire d’offrir de l’enseignement en milieu clinique pour savoir comment appliquer cette ouverture et cette philosophie dans des situations concrètes. Donc, beaucoup de travail a été fait, mais on peut certainement améliorer les choses.
4. Quels conseils donneriez-vous à vos collègues pour qu’ils puissent rendre leur approche plus inclusive et respectueuse de la diversité ?
En plus des éléments mentionnés précédemment, que j’applique personnellement et que je recommande à tous mes collègues, je pense que le conseil le plus important est d’être humble dans sa pratique. Chaque personne est l’experte de son identité de genre et de son orientation sexuelle. On doit lui poser des questions sur sa réalité et sur les mots qu’elle souhaite utiliser pour se décrire. On ne peut pas présumer des choses à partir de l’apparence d’une personne ou de son dossier médical. Il faut garder en tête qu’on peut apprendre de nos patients par rapport à leur diversité. Par exemple, après avoir demandé les pronoms et le prénom de mes patients, je leur mentionne qu’il est possible que je me trompe lors de la consultation et de ne pas hésiter à me reprendre le cas échéant.
Admettre qu’on ne connait pas tout sur le sujet, même si on a un cousin gai ou une amie trans, c’est déjà beaucoup.Dr Nicholas Chadi, cofondateur et codirecteur de la Clinique de diversité de genre au CHU Sainte-Justine
5. Selon vous, quel serait l’élément à changer pour vraiment parler de diversité et d’inclusion dans la médecine moderne ?
Le mot qui me vient spontanément en tête est l’ouverture. Il faut que les professionnels soient ouverts à la différence. Dès qu’on a de l’ouverture, on est sur le chemin de l’acceptation. Et lorsqu’on accepte la différence, cela entraîne une curiosité qui nous pousse à nous informer et à nous éduquer sur celle-ci. Bien sûr, il y a des centaines de choses à changer, mais c’est un bon départ ! Quand on est ouvert, on peut reconnaître nos propres biais et préjugés. Admettre qu’on ne connait pas tout sur le sujet, même si on a un cousin gai ou une amie trans, c’est déjà beaucoup.
Dr Nicholas Chadi,
Pédiatre, spécialité en médecine de l'adolescence
Cofondateur et codirecteur de la Clinique de diversité de genre au CHU Sainte-Justine, le Dr Nicholas Chadi est professeur adjoint de clinique au Département de pédiatrie de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et clinicien-chercheur spécialisé en médecine de l’adolescence et toxicomanie au CHU Sainte-Justine.