Parlez-en à votre médecin...
Lisez le mot du président du 28 mars 2025.
Un professeur émérite de l’Université de York, Joel Lexchin, a récemment été interrogé par Radio-Canada. Il concluait que l’industrie pharmaceutique était bien au fait de l’influence de la publicité sur ses futurs consommateurs. C’est entre autres le cas des traitements pour le diabète, qui permettent aussi de perdre du poids. Et en ce qui les concerne, les pharmaceutiques recourent en grand nombre à un stratagème.
Ce stratagème, c’est la ruse « Parlez-en à votre médecin », qui est « fréquemment employée pour démocratiser un produit et donner l’impression que le médicament devrait être plus largement utilisé que ce pour quoi il est indiqué ». Ce à quoi acquiesce Catherine Juneau, postdoctorante en psychologie à l’Université McGill. « [Ce type de] publicité envoie un message de solution miracle : quand on la voit, ça crée une habitude et on a un sentiment de familiarité avec le produit ».
Et ce qui est plus préoccupant encore, dit le professeur Lexchin, c’est que des études démontrent que lorsqu’ un patient demande à son médecin un médicament en utilisant le nom précis de ce dernier – qu’il en ait besoin ou non – les chances de ressortir avec une prescription pour ce produit sont plus grandes.
Un enjeu auquel il faut s’attarder
Ces deux dernières années, Santé Canada aurait reçu des dizaines de plaintes relatives aux publicités de type « Parlez-en à votre médecin ». Cependant, après examen, aucune n’aurait enfreint les règlements en vigueur.
Car au pays, des règles strictes régissent la publicité des médicaments d’ordonnance. Par exemple, la loi n’autorise pas les entreprises pharmaceutiques à diffuser des informations relatives à l’utilisation thérapeutique de leurs produits. L’effet pervers de la consigne donne donc lieu à ceci : les messages publicitaires restent vagues, piquent la curiosité et renvoient la population aux médecins pour plus d’information!
Tout ça, quand plus de 1 Québécois sur 4 est sans médecin de famille, que l’accessibilité aux soins est inégale d’un bout à l’autre du territoire, que la réduction de la bureaucratie à laquelle doivent s’astreindre les médecins est encore un vœu pieux dans le réseau public et que les tâches hospitalières sont de plus en plus assommantes.
À n’en pas douter, la réglementation publicitaire doit être revue!
Dans l’état actuel des choses, les médecins font directement les frais des règles de contournement publicitaire en place au pays. Il faut cesser de mettre en toute impunité ce poids sur les épaules des médecins de famille : les pharmaceutiques sèment une graine en faisant miroiter une solution miracle aux patients qui s’attendent à ce que leurs médecins les aident à en récolter les fruits. C’est tout simplement ingérable!
Des répercussions directes sur les consultations
En renvoyant systématiquement le public vers les médecins, sans s’attarder aux effets ni aux raisons de prescription d’un médicament, la publicité pharmaceutique du type « Parlez-en à votre médecin » gruge du temps lors des rendez-vous. Elle peut aussi contribuer à accroître inutilement l’angoisse et les craintes populationnelles.
Votre pratique subit-elle les contrecoups des publicités pharmaceutiques? Devez-vous rassurer ou informer longuement votre patientèle à leur propos? Comment gérez-vous la situation au quotidien? Exprimez-vous dans la section Forum de votre Info Collège.

Mauril Gaudreault, M.D.,
Président du Collège des médecins du Québec
Dans le cadre de ses fonctions, il représente le Collège auprès des instances politiques et de divers partenaires afin d'en assurer le rayonnement. Il s'assure que les services de l'ordre reflètent bien sa mission, soit de protéger le public en veillant à une médecine de qualité.