Il faut consulter les médecins
Lisez le mot du président du 21 mars 2025.
Le ministre Christian Dubé ne dit pas non à l’idée, que nous avons lancée lundi, d’une consultation ou de la tenue d’états généraux sur la santé au Québec. Plus de 50 ans après la création du modèle actuel, il est temps de s’interroger sur sa viabilité, surtout en regard de la place grandissante qu’occupe le privé en santé.
L’ouverture exprimée par le ministre de la Santé est une bonne nouvelle, car le statu quo n’est plus envisageable. Les médecins croulent sous le poids des responsabilités, dans un réseau public qui leur offre des moyens limités et qui s’avère de moins en moins accessible à la population, comme le confirme un sondage SOM que nous avons commandé.
Au cours de la dernière année, une personne sur deux a renoncé à consulter un médecin, alors qu’elle en ressentait le besoin. Un chiffre vertigineux! Qui plus est, le quart (26 %) de la population s’est tourné vers le réseau privé pour obtenir une consultation. Il s’agit d’un bond de 12 % depuis notre sondage précédent, en 2022. Nous voici bien loin du pacte social conclu il y a un demi-siècle!
Revoir les règles du jeu
Si la complémentarité public-privé peut aider à remédier aux enjeux actuels d’accès aux soins, il faudra toutefois s’inspirer des meilleures pratiques – celles qui profiteront au réseau public et non l’inverse – pour encadrer cet apport.
Le fait que plus de 800 médecins se soient désaffiliés du système public, que les honoraires varient d’un réseau à l’autre pour un même service, que le privé ait souvent le privilège de sélectionner des cas plus légers, laissant au secteur public la responsabilité des cas plus complexes et des personnes les plus vulnérables… tout cela illustre qu’il faut absolument, dès maintenant, mieux baliser cette complémentarité. Les règles du jeu doivent être claires et rigoureuses.
Le Collège a entrepris de rencontrer des représentants des médecins exerçant au privé, afin de mieux comprendre les raisons qui les ont amenés à tourner le dos au régime public et de préciser la nature des services qu’ils offrent à la population.
Discuter avec les médecins
L’enjeu reste de savoir si cette consultation se tiendra d’ici la fin du mandat actuel du gouvernement. Il le faudrait. Dans tous les cas, une discussion franche et ouverte avec les médecins sur l’affaiblissement du réseau sera incontournable. Le mot « avec » est ici la clé, puisque les médecins sont très rarement consultés au sujet d’un réseau qu’ils soutiennent pourtant à bout de bras avec les autres professionnels de la santé. Pour preuve, les coupures de 1,5 G$ ont été décrétées en toute hâte, sans un mot à celles et ceux qui en subissent les contrecoups sur le terrain. Et, quoi qu’on en dise, ces restrictions affectent directement le public. C’est pourquoi la population devra, elle aussi, faire partie de la conversation.
Dans ces circonstances, on saisit mieux l’ampleur de la réponse obtenue au sondage éclair, mené auprès des médecins ayant assisté à notre webinaire de lundi dernier sur la place du privé en santé. À la question « Avez-vous déjà songé à quitter le réseau public pour le privé? », près d’un médecin sur deux (45 %) a répondu par l’affirmative.
Santé Québec
Toujours selon un sondage éclair tenu en ligne lundi, 3 médecins sur 4 estiment que Santé Québec ne pourra mener à bien sa mission. La société d’État a donc tout intérêt à tendre une oreille attentive à ce que disent les médecins, afin de mieux orienter et prioriser ses actions. Décidément, le moment est venu pour Santé Québec de couper le cordon avec son créateur, si elle veut continuer de prétendre au statut d’agence indépendante, chargée d’orchestrer les soins sur l’ensemble du territoire.
Toutes les circonstances sont réunies pour que l’on se parle, et pour s’assurer que cette xième réforme de notre réseau public atteindra ses objectifs. Mieux vaut prévenir que guérir, dit l’adage.

Mauril Gaudreault, M.D.,
Président du Collège des médecins du Québec
Dans le cadre de ses fonctions, il représente le Collège auprès des instances politiques et de divers partenaires afin d'en assurer le rayonnement. Il s'assure que les services de l'ordre reflètent bien sa mission, soit de protéger le public en veillant à une médecine de qualité.