Le mois dernier, le Collège a invité tous les médecins et résidents du Québec à répondre à un sondage, préparé par la firme SOM, portant sur leurs perceptions et leurs expériences en lien avec la pandémie, et sur d’autres sujets d’actualité. Merci à tous ceux et celles qui ont pris part à cette grande conversation. Vous avez été plus de 1300 à prendre la parole, toutes associations médicales confondues et de partout au Québec. Consultez les résultats du sondage.
Ce sondage touche à une pluralité d’enjeux qui interpellent le Collège. Il serait réducteur d’en faire le tour brièvement dans ce mot et je reviendrai sur certains thèmes plus en détail prochainement. Je tenais toutefois à vous faire part d’emblée de quelques constats importants.
Alors que l’anxiété s’est accrue, le soutien a fait défaut

Les échos sur le terrain le signifiaient déjà clairement, les chiffres l’ont confirmé. Près d’un médecin sur cinq a jugé que la pandémie avait eu un effet très négatif sur son niveau d’anxiété ou sa santé mentale. La santé physique, les relations de travail, la motivation au travail et la vie familiale des médecins ont aussi été affectées. Fait nouveau : cette réalité frappe encore plus durement les jeunes médecins.
J’ai personnellement été stupéfait d’apprendre que le tiers des médecins en exercice avait été témoin du décès d’un patient atteint de la COVID-19. D’ailleurs, ces derniers sont plus nombreux à rapporter un niveau d’anxiété élevé. Alors que nous savons que les ressources d’aide en santé mentale sont insuffisantes au Québec, nous devons faire mieux pour soutenir nos médecins. Le Collège est sensible à cette détresse.
Plusieurs médecins critiquent le soutien reçu dans leur établissement de santé depuis le début de la pandémie. L’organisation du travail (gestion des zones chaudes et froides, équipements de protection individuelle et horaires de travail) est aussi jugée inadéquate par de nombreux médecins.
Un regard critique sur la gestion de la pandémie

Les médecins se montrent également critiques à l’égard du rôle joué par certains acteurs-clés dans la gestion de cette pandémie, notamment les établissements de santé et le gouvernement. Les problèmes de pénurie ou de mouvement de personnel, l’accès parfois difficile aux équipements de protection et les failles dans le déploiement des campagnes de dépistage et de vaccination sont des pistes d’explications. L’enjeu du temps supplémentaire obligatoire (TSO) a aussi été soulevé alors que 67 % des médecins s’y opposent, même en pandémie.
En revanche, la perception du rôle des autorités policières, du Collège des médecins et de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec est positive. Le Collège continuera de proposer des solutions, notamment en misant sur la collaboration interprofessionnelle, pour soutenir les médecins et contribuer à la lutte contre la COVID-19.
Aide médicale à mourir : un débat nécessaire sur les questions de santé mentale
Ce sondage était aussi l’occasion d’entendre les médecins sur certaines questions d’actualité, comme l’élargissement de l’aide médicale à mourir (AMM). Bien qu’une grande majorité de médecins soit d’accord à ce que l’AMM soit offerte à des patients en fin de vie, la question est loin de faire l’unanimité lorsque le motif de la demande du patient est en lien avec la santé mentale. C’est un enjeu complexe qui nécessitera un échange et une réflexion beaucoup plus poussée au cours des prochains mois. Le Collège s’y penche déjà.
Priorité des prochaines années
Les médecins ont placé en tête de liste des priorités l’accès aux soins (santé mentale, médecin de famille, soins à domicile). Sur le plan social, la maltraitance envers les enfants et les personnes âgées, ainsi que la violence conjugale sont des enjeux prioritaires pour une proportion significative de médecins, de même que l’environnement et la lutte à la toxicomanie. Voilà des signaux clairs qui guideront les actions du Collège sur le plan de la responsabilité sociale.
Troisième vague : quelles leçons pouvons-nous appliquer dès maintenant?
La situation au Québec est actuellement préoccupante. Il y a dix jours, le Collège a demandé au gouvernement, à la lumière des avis d’experts en santé publique, de réévaluer les allègements prévus aux mesures sanitaires. Nous allons continuer de nous prononcer, en accord avec les données scientifiques, afin de protéger la population et de préserver notre réseau de la santé, déjà fortement éprouvé.
Le sondage auprès des médecins et résidents a fait ressortir plusieurs leçons à tirer de cette pandémie. Certaines constituent des chantiers de longue haleine, comme renforcer la santé publique et repenser les milieux de soins et d’hébergement. D’autres leçons peuvent être mises à profit dès maintenant. Pensons à l’importance d’appliquer rigoureusement les mesures sanitaires, d’entretenir des communications claires et cohérentes et d’appuyer nos décisions sur des données scientifiques.
La communauté médicale, aux côtés des chercheurs, doit avoir voix au chapitre dans ces débats. Osons nous faire entendre sur ces questions. Quelles leçons pouvons-nous appliquer dès maintenant pour endiguer cette troisième vague? Comment faire en sorte que le passé ne soit pas garant de l’avenir?
Mauril Gaudreault, M.D.
Président, Collège des médecins du Québec